Mimoun et Zatopek

 

LA TERRASSE

 

Publié le 25 juin 2021 - N° 290

 

Dans Mimoun et Zatopek, l’auteur et metteur en scène Vincent Farasse convoque dans la bouche d’un ouvrier des années 70 deux grandes figures de l’athlétisme. Sport, militantisme et théâtre : même combat.

 

En 1947, un dénommé Mimoun devient champion des 5 et 10000 mètres. La même année, un certain Zatopek gagne sa première course internationale aux jeux interalliés de Berlin. Tous les deux immigrés, d’origines sociales modestes, sont pour Karim des modèles. Venu d’Algérie comme le premier des deux athlètes, ce personnage fictif imaginé par Vincent Farasse a lui aussi eu ses victoires en 47, sportives et militantes. Il s’en rappelle au milieu des années 70, lorsqu’il occupe son usine suite à une menace de suppression de postes. Entre passé et présent, ce mécanicien est incarné par Ali Esmili, co-fondateur du collectif Les Trois Mulets et auteur de la commande du texte à Vincent Farasse, qui en signe aussi la mise en scène. Dans Mimoun et Zatopek, sport et théâtre participent d’un même combat. D’une même lutte pour la dignité.

 

Anaïs Heluin

 

LIEN : https://www.journal-laterrasse.fr/mimoun-et-zatopek-de-vincent-farasse-2/

 

 

 

LE BRUIT DU OFF

 

Posted by redaction on 19 juillet 2021

 

« MIMOUN ET ZATOPEK » : LA REVOLUTION N’AURA PAS LIEU !

 

Un licenciement est en cours et le patron est séquestré. La négociation s’éternise, la situation est tendue et les CRS veillent. Nous sommes dans les années 70 et Karim monte la garde. Arrivé en France en 1947, l’année de ses 15 ans, il repense à sa vie de militant communiste.

 

Karim, jeune ouvrier à la régie Renault, est vite repéré pour ses talents de coureur de fond qui lui promettent un bel avenir sportif de haut niveau. On l’appelle Mimoun, du nom de ce français d’origine algérienne, comme lui, ce héros de l’athlétisme d’après-guerre. Mais Mimoun est gaulliste et son héros, c’est Zatopek, cet immense champion tchécoslovaque, porte-drapeau du communisme dans le monde, qui rafle les victoires, qui semble se reposer lorsqu’il court avant de distancer ses rivaux en plaçant des démarrages foudroyants avec un courage sans bornes, le visage déchiré par la douleur.

 

Ali Esmili, avec ses yeux noirs et son regard profond interprète Karim avec conviction et passion, d’un seul trait. Les souvenirs s’entremêlent, il y a comme un besoin cathartique de faire revivre ces moments de sa vie, de les partager avec le public pris à témoin. On revit les manifestations, les occupations d’usine, la violence des confrontations policières qui allèrent jusqu’à faire tirer sur les mineurs en 1947, mais aussi ces moments de bonheur domestique et de réussite sportive qui aident à vivre. Et il y a cet espoir permanent, cette certitude qui adoucit les tourments de la vie : la révolution viendra, il faut être patient mais elle viendra !

 

La séquestration du patron s’éternise et l’histoire reprend son cours. Karim voit sa carrière sportive et ses espoirs de réussite anéantis par une blessure par balle lors d’une manifestation. Zatopek, ce modèle admirable pour Karim, prend parti en 1968 pour le « Printemps de Prague » qui avait pour ambition d’instaurer un socialisme « à visage humain », vite réprimé par les soviétiques. Après l’arrivée des chars pour « remettre de l’ordre » en Tchécoslovaquie, Zatopek, ce héros adulé dans son pays et dans le monde entier, est réduit à ramasser les poubelles dans les rues de Prague. Tout s’effondre autour de Karim, y compris cet espoir dans la révolution communiste qui fait voir à Prague son vrai visage.

 

Le texte de Vincent Farasse est fluide et chargé d’émotion. L’attention n’est jamais relâchée et Ali Esmili le sert admirablement. Il est dans la peau de Karim dont il exprime tous les espoirs, la sensibilité, les passions et les douleurs.

 

C’est l’histoire d’une vie d’ouvrier sur fond de luttes sociales et de rivalités sportives entre des dieux du stade qu’on vénère, des modèles de courage et d’abnégation. On y voit la société et les esprits évoluer au cours de ces années charnières qui ont dévoilé les limites du modèle communiste. Les héros politiques sont déchus et il faut bien vivre avec ses illusions perdues. La révolution n’aura pas lieu !

 

Jean-Louis Blanc

 

LIEN :  https://lebruitduoff.com/2021/07/19/mimoun-et-zatopek-la-revolution-naura-pas-lieu/

 

 

 

L’ŒIL D’OLIVIER

 

Publié le

 

Mimoun et Zatopek, la course de l’Histoire

 

 

 

Si vous aimez la petite histoire dans la grande Histoire, la pièce de Vincent FarasseMimoun et Zatopek, va assurément vous séduire. Nous sommes dans les années 1970, le monde ouvrier connaît des heures sombres avant son déclin. L’usine est en grève ! Karim garde la porte du bureau du directeur séquestré par des camarades. Car à l’époque, selon la dialectique communiste, on ne disait pas collègues. Les ouvriers en colère attendent des réponses à leurs questions sur leur avenir qui ne s’annonce pas du tout radieux. Pour passer le temps, Karim lit l’Humanité. Effaré, il y découvre une nouvelle qui le bouleverse. Zatopek, considéré comme le plus grand coureur de son temps, héros national en Tchécoslovaquie, s’est retrouvé, par représailles, pour avoir participer au Printemps de Prague, relégué au poste d’éboueur ! Se questionnant sur ce que cela signifie, Karim fait défiler ses souvenirs de militant, de 1947 à ce jour qui annonce la fin d’un monde, d’une utopie. Il nous raconte aussi, alors que tous voyaient en lui le futur Mimoun, pourquoi la course s’est arrêtée pour lui. 

 

Dans une interprétation ciselée de ce personnage si attachant, le comédien Ali Esmili est prodigieux. 

 

Dans un style foisonnant, Vincent Farasse retranscrit avec intelligence et humanité, l’histoire de l’ouvrier Karim, l’histoire d’un sport et de deux athlètes d’exception, mais surtout l’histoire d’une société qui change. Et c’est passionnant.

 

Marie-Céline Nivière

 

LIEN : https://www.loeildolivier.fr/2021/07/mimoun-et-zatopek-la-course-de-lhistoire/

 


Courts métrages



Le frère ennemi


Paris, de nos jours. Deux silhouettes se dessinent harmonieuses, complices. » Et si nous vivions ensemble ? » demande Ali à la Malika de son cœur, une jeune femme pleine de grâce et d’hésitations : l’amour vaincra-t’il l’ennui, la routine écrasante et sempiternelles omelette aux écailles d’œufs ? « Car je suis tout sauf un cordon bleu », prévient la belle. « Arrêtes tes bêtises va ! C’est moi qui ferai la cuisine », rétorque l’enjôleur. Soit ! Au diable les doutes, vivons sous le même toit, marchons, bras dessus bras dessous, sous le ciel de paris, piaffent les amoureux. Pendant un an, rien ne semble perturber la douce quiétude des jeunes concubins, pas même le feu nourri de remarques bornées, de clichés éculés et autres idioties imprécations qu’ils essuient de part et d’autre. « Je pensais que les Marocains étaient d’indécrottables machos ! », éructe Claire, la meilleure amie de Malika, oubliant qu’Ali

était »aussi » (et peut-être même surtout) français. « Mais comment peux-tu vivre avec une femme qui n’est pas ton épouse ? », postillonne Brahim, l’inénarrable cousin d’Ali, oubliant qu’il vivait à Paris et non pas à Fqih Ben Salah au siècle dernier ».


Rien de méchant, en somme, juste le flot de la bêtise ordinaire dont s’accommodent bien des Français « issus de l’immigration », comme ils disent.
Mais un jour, Ali rentre du boulot, dévasté. L’ingénieur vient d’être écarté par le ministère de la défense d’un projet « ultrasensible » qu’il pilotait depuis des

mois, avec maestria. C’est le seul Ali Bouderbala, le seul « Maghrébin »de l’équipe. Français peut-être mais pas assez, jamais assez, manifestement. Quoiqu’il fasse, quoiqu’il accomplisse, Maman France rappellera toujours son faciès, son nom ses origines à l’enfant adopté, Maman France lui préfèrera toujours ses blonds chérubins.

Le Champion de l’intégration sombre alors dans une spirale de rancœur, démissionne de son poste et de son couple, déverse son mal être sur Malika, refuse le partage des tâches, la cuisine à tour de rôle, « à la Française », et prend Claire en grippe, incarnation pour lui du pays arrogant et ingrat, qui le stigmatise et spolie son identité. Se fanatisera-t-il ? Recouvrera-t-il ses esprits ? On ne le sait pas vraiment.


Pour sa première incursion dans l’écriture théâtrale, Fouad Laraoui s’attaque à ses thématiques fétiches, les déboires et les paradoxes de la diaspora marocaine en Occident, l’identité clivée, l’humanité en proie à l’intégrisme religieux ou à un vertigineux vide spirituel, nous offrant un texte assez habilement tournée, émaillé de cocasseries, de phrase caustique, sa marque de fabrique» . Malika et toi souffrez d’islamophobie alors que vous n’êtes même pas musulman ! », fait-il dire au cousin Brahim, irrésistiblement campé par Malek Akmiss. Les trois autres comédiens ne sont pas en reste : même s’ils ont eu le texte assez tardivement et n’ont eu que trois semaines pour le répéter, Boutaïna El Fekkak, Claire Cahen

et Ali Esmili portent la pièce avec sensibilité et fougue. On se souviendra longtemps de la magnifique tirade de Claire sur le corps ce vulgaire véhicule de l’âme honni par les religions, sans cesse méprisé, brimé, corseté, caché, culpabilisé, on se souviendra de son éloge lumineux de l’agnosticisme, du respect des autres et de leur croyances, de leur différences. « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » dit-elle, avec humilité et sagesse. Une hauteur de vue, une subtilité et une consistance dont sont presque totalement dépourvus les personnages masculins et musulmans, plus enclins aux préjugés et au repli qu’à la raison et au dialogue, assez caricatural dépeins comme des machos rétrogrades et bornés. On sait l’amour de Laroui pour la raillerie et on lui sait gré de se moquer des fanatiques et des obtus de tous poil, mais il ne faut-il pas accabler un peu aussi cette société qui, en rejetant toute une communauté et en la désignant comme bous émissaire, participe à sa radicalisation ?


Bref, une pièce qui vaut le détour et qui fait réfléchir. A ne pas raté si vous êtes à Oujda, Meknès ou Marrakech, les 11,14 et 16 octobre prochains. Les détails sur le site de l’institut français du Maroc qui accueille la tournée du Collectif Les Trois Mulets

Sanaa Guessous pour LA VIE ÉCO


La pièce écrite par Fouad Laroui connaît un vif succès au Maroc alors qu'elle n'en est qu'à sa deuxième représentation publique. Avec beaucoup d'autodérision, les comédiens croquent les excès d'un communautarisme islamiste qui est actuellement sous les feux des projecteurs. Le public se délecte en découvrant les contradictions que peuvent vivre des Marocains vivants à l'étranger. Certains se reconnaissent peut-être dans la difficile confrontation entre une pratique rigoriste de la religion et la vision laïque prônée par la société française.

Cette pièce qui touche à une thématique sensible au regard de l'actuelle transformation de certains musulmans radicalisés remue des questions. Prévue pour être bientôt jouée en France, elle intéressera certainement le public français car son intérêt procède avant tout d'un regard marocain sur la question actuelle de l'identité. En définitive, ce spectacle cherche à faire ressortir l'absurdité du repli identitaire et la mauvaise image qu'il entraîne à travers le monde.

Rappelons que c'est en France que le Collectif Les Trois Mulets est né et que ses acteurs vivent entre les deux rives de la Méditerranée. Ils assument leur position de l'entre-deux en mettant en pratique leurs influences de la Halqa marocaine et celles plus prosaïques du respect du texte français. Cette pièce est issue d'une commande littéraire passée il y a six mois auprès de Fouad Laroui à qui le collectif Les Trois mulets a demandé d'écrire une pièce sur la thématique de l'identité.

Elle est le fruit d'un challenge car les comédiens n'ont été livrés que fin août et n'auront eu que 3 semaines pour répéter dans le cadre d'une résidence à l'institut français de Casablanca

A Rabat le 30 septembre. A Tanger, Fès, Oujda, Meknès et Marrakech les 2, 9, 11, 14 et 16 octobre.